La chaleur suffocante devenait plus intolérable à chaque pas. La gorge sèche comme la roche siliceuse qui meurtrissait ses pieds nus, la peau rougi pas la brûlure implacable du soleil, Rob poursuivait sa route, suivant un arroyo dont il espérait qu’il le mènerait vers quelque point d’eau, vers un semblant de civilisation.
Las, autant moralement que physiquement, il s’accorda une pause à l’ombre paresseuse de la carcasse rouillée et minutieusement démantelée d’une Plymouth Fury 1958. Il fourragea dans sa besace à la recherche du morceau de pain rassis qu’il avait trouvé en détroussant un malheureux qui plus jamais n’aurait à se nourrir.
Il avala l’infâme sandwich en mâchant lentement. Non pas pour faire durer le plaisir mais parce qu’il était un carnassier, pas un putain de rongeur de pain dur. Regrettant amèrement l’absence d’une bouteille d’alcool dans son sac, il songea que sa gourde d’eau, même à demi pleine, n’était d’aucune consolation.
Peu à peu, sans même qu’il s’en rende compte, ni ne soit capable de résister, il sombra dans une léthargie qu’il aurait autrefois accueilli à bras ouverts. Il rêva en noir et blanc. Le sol couvert d’un épais manteau neigeux craquait sous ses lourdes chaussures. Le froid mordant se frayait un chemin à travers ses vêtements et sa peau, l’engourdissant jusqu’aux os.
Haletant, grelottant, il avançait inlassablement vers la silhouette massive d’une imposante structure. Les lourds nuages nocturnes s’écartèrent poussés par le vent, laissant l’astre de nuit poser son regard indifférent sur le monde et révéler alors la façade d’un hôtel abandonné en ruine. La nuit exhala l’haleine fétide de la mort.
Rob parvint au seuil de l’entrée principale qui n’était plus qu’un gouffre béant de néant au milieu d’épais murs de pierres. Gravé dans le linteau même de l’entrée, un seul mot – Overlook.
Bondissant tel un prédateur hors de sa cache, son cœur tambourina soudainement, le ramenant à la réalité aussi sûrement qu’une injection brutale d’adrénaline, une seringue plantée dans la poitrine. Cillant des yeux il s’habitua rapidement au voile crépusculaire qui s’était abattu autour de lui pendant son sommeil.
Des borborygmes brisèrent le silence, mettant instantanément tous ses sens en alerte. Avisant une demi-douzaine d’anthropophages d’un autre monde, il se saisit instinctivement d’un objet lourd et contondant à sa portée. La portière cabossée de la voiture, jetée négligemment au sol. Hurlant comme un forcené, il se jeta sauvagement dans la mêlée, repoussant et matraquant les pantins de chair putrescente avec son arme improvisée.
S’étant débarrassé, pour le moment, de la menace grouillante de ce monde, Rob se remémora les chimères qui l’avaient tenté dans l’autre. Comme il arrive parfois que notre esprit exécute malgré nous des associations d’idées parfois surprenantes, il en vint rapidement à considérer qu’il s’agissait là d’un signe.
Sans attendre, il ramassa son sac, passa la portière en bandoulière en utilisant son ceinturon de cuir et reprit sa route à la recherche de cet hôtel, de cette ruine mystérieuse et lointaine.
(...)